collège Philippe de Vigneulles (Metz)

Témoignages d'enfants libérés.

Parmi les enfants déportés,qui sont les survivants ?

Des adolescents de plus de quinze ans (ou qui se sont fait passer pour des plus de quinze ans) et qui ont réussi à survivre comme travailleurs; des enfants sélectionnés pour les expériences médicales et des enfants arrêtés très tardivement et qui ne purent être emmenés dans les camps d'extermination



Pour les enfants de Buchenwald, la période de deux mois, avant leur arrivée en France est une parenthèse indéfinissable.

Ils sont en vie, ils respirent, ils calment leur faim, ils se refont une santé, ils jouent même, ils attendent, ils espèrent, quoi ? Ils ne le savent pas. Le retour à la vie pour se remettre à penser.

Charles Baron " quand nous avons été libérés , je pesais 29kg pour 1,60 mètres. Je voulais aller me battre ( poursuivre les nazis)...... j'avais 16 ans. C'est pas trop trop épais...... ça a bien fait rire les américains une espèce de squelette ambulant qui voulait se battre avec eux....

Je suis rentré trois ans jour pour jour après ma déportation. A Paris , je me suis inscrit sur une liste de recherche. je savais que mes grands-parents vivaient toujours dans leur villag, que mon oncle avait échappé.......De mes parents, pas de nouvelles . Avec ce que j'avais vécu, fallait pas jouer les innocents ......je n'ai su que bien plus tard."

L’espoir fou de retrouver l’un des siens sur les listes qui circulaient, un nom auquel se raccrocher.
Gras
Georges : c’est quoi être libre ? L’impossibilité de se projeter dans l’avenir et surtout l’humiliation, une humiliation qui colle à la peau.

Alexandre : L’impression de revenir à la vie, c’est-à-dire de pouvoir se remettre à penser



Eva Geiringer a été cachée à la même période qu' Anne Franck et vivait dans la même rue qu'elle. Eva et sa famille ont été dénoncés trois mois avant la famille Franck. Elle se souvient de ce 27 janvier 1945, ou elle fut libérée du camps d'Auschwitz :

Nous avons entendu quelqu'un crier dehors. La porte de la baraque s'est ouverte à toute volée et une femme a hurlé : “Il y a un ours devant le portail ! Un ours devant le portail ! Venez vite !” Nous sommes sorties avec prudence et nous sommes dirigées vers le portail ouvert, là se trouvait “l'ours” ,un homme immense, vêtu de peau d'ours des pieds à la tête, le visage empreint d'une total stupéfaction. Nous sommes restés face à face à nous regarder, puis je me suis lentement approchée de lui, le visage empli de joie. Notre libérateur se trouvait à l'entrée du port, seul et fort. J'ai couru vers lui les bras tendus et il m'a serrée contre lui. Et même si nous ne parlions pas le même langage, chacun a compris ce que l'autre disait.”
Elle avait alors 16 ans. Anna et sa mère sont alors évacuées vers Odessa et abritées dans un palais vide jusqu'à la fin de la guerre.





A leur retour à Amsterdam, elles retrouvent leur appartement tel que trois ans auparavant . Elles retrouvent quelques amis dont Otto Franck , le père d'Anne. Elle apprendra alors que ni son père, ni son frère n'ont survécu.



"Émotionnellement, je suis de nulle part. Je suis de n'importe où. C'est quelque chose que je pense personnellement. Je manque d'une famille et un pays, et je manque d'une maison. même après 50 ans."

Pour d'autre le jour de la libération n'est pas aussi “drôle”, en effet, des enfants sortent des camps alors que leur famille peut avoir été elle-même déportée. C'est le cas de Cornelia, jeune fille ayant survécu en se cachant et dont la famille a été déportée à Sobibor. Pour eux, les gens qui dansent et qui chantent dans les rues sont incompréhensibles.
Et pour les plus jeunes qui ne se souviennent pas de leurs parents, c'est retourné dans les bras d'inconnus. Robert Krell alors âgé de 5 ans à sa sortie des camps qui ne reconnait pas ses parents qu'il n'a pas vu depuis 3 ans.







J'ai pleuré et protesté et ils ont dû sortir des photographies de moi à environ un an et demi pour prouver que j'étais bien leur fils. Evidemment j'avais une chance immense d'avoir retrouvé mes parents vivants. Mais aller dire ça à un enfant de cinq ans qui n'en a gardé aucun souvenir et qui a passé presque trois ans avec une autre famille

Environ la moitié des enfants juifs ayant vécu au Pays-Bas, ont retrouvé leurs parents après la guerre, les autres sont resté avec leur famille d'accueil, et certains ne connaîtront jamais leur véritable identité ainsi que leur passé. Peu à peu les enfants reprennent une vie normale. Eva Geiringer retourne au Pays-Bas en compagnie de sa mère, il lui semble étrange de retourner vivre dans son ancien appartement :

"ça m'a paru tellement sinistre de remonter cet escalier. A l'intérieur, on aurait dit que toutes ces années ne s'étaient pas écoulées. J'avais l'impression de retourner dans le passé – rien n'avait changé. J'errai d'une pièce à l'autre. Nos meubles étaient toujours à la même place, les rideaux et les peinture étaient intactes et la marque sur le mur de la chambre ou papy avait mesuré ma taille était toujours là. J'allai à la fenêtre et regardai la place. Des enfants jouaient sur le macadam. Un peu plus tard, j'ai entendu un taxi s'arrêter dans la rue et je me suis précipitée pour ouvrir la porte en me disant : c'est Papy qui rentre à la maison avec Heinz. Mais ce n'était qu'un voisin de pallier.





"j'ai été envoyée en Suède où je suis restée trois ans. En Suède, j'ai été confiée à un docteur qui a immédiatement décidé de me faire grossir. A onze ans, je pesais à peine plus qu'un enfant de trois ans et j'avais un gros ventre. J'ai lentement récupéré. J'étais avec ma soeur. Elle a curieusement traversé l'épreuve sans tomber malade. Elle était devenue une enfant très calme, silencieuse, complètement coupée du monde. »

témoignage de Renée H., née en 1933 à Bratislava (Tchécoslovaquie), déportée à l'âge de 10 ans à Auschwitz-Birkenau, puis à Bergen-Belsen.


D'après : "Anne Frank et les enfants de la Shoah" de Carol Ann Lee, édition folio junior.

Témoignages cités dans Témoigner, Paroles de la Shoah, Flammarion, 2000